Faut-il attendre d’arriver à la fin de ses activités de la journée pour souffler ?
On a toujours le temps de s’arrêter, de se poser, sauf que je fais partie de ceux qui programme la pause “APRES”. D’ailleurs je me suis souvent entendue dire “quand j’aurai fini ceci, je profiterai de cela, quand j’aurai du temps je ferai ….” En réalité je ne profite de rien du tout car le temps de la Société ne cesse d’inter-pénétrer mon temps du moment jusqu’à parfois m’asphyxier à force d’inspirer, de créer, de partager, de donner, de recevoir, de dire.
Notre temps de plus en plus haché, s’encombre, comprimé pour plus de performance, de productivité sur des périodes toujours plus courtes. La multiplication et l’accélération des relations avec les autres s’emballent. Notre smartphone reste ouvert presque 24h/24h, nous sommes joignables à chaque instant, comme « ouverts » au Monde (mails, notifications, sms, médias, réseaux sociaux,….non stop !). Nous sommes constamment stimulés, poussés à réagir sans prise de recul. Cette agitation excessive, les sollicitations constantes, déséquilibrent à la fois le flux des pensées,et fatiguent émotionnellement.
Depuis plusieurs mois, j’ai décidé de passer en mode alternatif pause/action à l’échelle de la journée quelques soient les activités en cours.
Pourquoi?

Pour trouver le temps de souffler. Souffler vraiment au sens d’expirer la pression du moment, les pensées incessantes, les tensions corporelles, les émotions vécues, les informations reçues, les interactions avec les autres...
Alors je me suis dit : Et si tu faisais des pauses “PENDANT”? Un arrêt sur image régulier, de ma vidéo qui défile, sur le personnage que je joue, un stop dans l’action pour habiter un temps non soumis aux autres, ni à mes pensées.
Cette approche de faire un stop focus sur le moment présent est un exercice qui permet de se recentrer. Une activité quotidienne ou non, disons plutôt multiactivités à la minute parcellent mon identité, mes actions. Je m’éparpille, sollicitée par les interactions avec le monde extérieur, tout en menant des activités qui font souvent sens quand même :)
Quoi faire?
L’idée est de suspendre l’activité mentale, juste sentir mon corps de manière consciente et le faire respirer vraiment. Que ce soit à mon travail, à table, en me déplaçant, en compagnie d’autres personnes, bref quelque soit le moment j’ouvre un temps de vide rempli de moi, de ma respiration, de mon sentir physique : juste Etre là, à l’instant présent.
Sortir de l’avoir, du dire, du faire pendant quelques secondes voire minutes.
Qu’est ce que le moment présent?
n.m : partie du temps, durée distincte, opposable au passé et au futur.
adj :
personne qui est dans un lieu
dont on est conscient
qui est disponible pour une activité
qui existe, se produit au moment
n.m : un cadeau, un don, une offrande, un bienfait
Le présent c’est donc
ici et maintenant
être là où ça se passe
un cadeau !

Nombreux ouvrages donnent un éclairage, à travers mes lectures, l’explication donnée par Albert Jacquard m’a convaincue. Dans “Petite philosophie à l’usage des non-philosophes” il répond à une interview sur l’espace-temps.
“Le concept du temps est indissociable du constat que les événements se produisent dans un certain ordre….Nous pourrions nous en tenir là et ne pas introduire la notion d’une chose étrange qui s’écoulerait durant l’intervalle entre les deux événements considérés et à laquelle nous donnons le nom de “temps”. Toute mesure de ce temps se ramène à compter le nombre d’événements d’un certain type ….Ces conventions permettent de mesurer des durées en fonction d’autres durées. Elles montrent combien la notion de présent est fragile….il y a du sens à dire “je serai” ou “j’étais”; il n’y en a pas à dire “je suis”.
Une consolation cependant apportée par la physique quantique à ceux que chagrinerait la disparition du présent : aucune durée ne peut être inférieure au “temps de Planck” qui dure 5,4 10-44 secondes”.
La durée perçue, qui est la matière première de notre devenir personnel, est très différente du temps mesuré au moyen d’appareils...Cette durée intérieure est souvent sans liens étroits avec le temps objectif des événements.”
Ouf ! Le moment présent existe pour les scientifiques ! Mais pas suffisamment long pour même penser un “je suis”. Alors j’ai décidé de lui donner ma durée, celle de mon contact sensoriel avec mon corps, de mon émotion du moment, de la manière dont j’habite ce moment, de ma respiration consciente.
Comment faire?
Pour couper le pilotage automatique, j’ai testé deux exercices simples différents de la méditation en pleine conscience.
Pratiqués plusieurs fois par jour pendant quelques minutes, basés sur l’ancrage de la respiration et l’attention volontaire portée sur le corps. Ces temps de prise de recul par rapport à l’insatiabilité extérieure, développent la vigilance, l’écoute. Ils me permettent de vivre l’état-présent, de l’intensifier.
On retrouve d’une certaine manière son centre de gravité en laissant tomber sa superficialité, on élargit sa conscience de soi.
EXERCICE 1 = PRENDRE CONSCIENCE DE SON CORPS ICI & MAINTENANT
Quelques soient le lieu, l’activité en cours, prendre quelques secondes, se mettre en contact sensoriel direct avec soi-même est une technique ultra simple de présence à soi !
Passer de la périphérie de ce que j’exprime, fais, pense, à concentrer volontairement mon esprit sur mon corps dans l’expérience du moment sans objectif précis, ni recherche de résultat, délasse en invitant au vide mental paradoxalement. Je suis mon corps tout simplement.
A tout moment je peux revenir au corps en me demandant : Qu’est ce qui se passe en ce moment? Quelle est mon expérience corporelle actuelle?
Je prends une profonde inspiration, expire, deux trois fois de suite puis fixe toute mon attention sur une partie de mon corps (par exemple un pied ou une main) ou à l’ensemble en observant seulement :
Quelle est sa position?
Quelle est sa température?
Y a t il des tensions ou de la détente?
Sur quoi suis je appuyé(e)?
Quelle est la sensation du contact?
Comment je respire?
Porter une intention d’observation sur le processus sensitif actuel est une gymnastique de l’esprit d’être conscient du ici et maintenant.
Cette pratique d’aller-retour de mon attention de temps en temps dans la journée entre le monde extérieur qui m’entoure et mon monde corporel développe l’attention sélective de concentration, lâchant l’attention partagée du multi-tâches et l’attention dite exécutive du contrôle souvent épuisantes.
Au début pour pratiquer cet exercice je programmais 3 alarmes dans la journée sur mon smartphone pour y penser. Bon, il est vrai qu’en pleine action de rendez-vous, de réunions, ça m’a valu quelques gags, et justement de prendre de la distance par rapport à ce qui était dit le temps de quelques secondes pour me centrer, mieux me concentrer dans l’écoute ouverte de mes interlocuteurs ensuite.
Une forme de régulation de mon attention s’installe, une distanciation par rapport à l’extérieur, pour repartir en mode “Play” moins réactive.
Etre à l’écoute de soi et accueillir juste ce qui est, s’observer pour mieux souligner le pouvoir que l’on détient dans ses actions à venir, voilà ce que ce type de pause m’apporte.
EXERCICE 2 = LA COHERENCE CARDIAQUE, UNE PRATIQUE RELAXANTE EN 5 MN
Connaissez-vous la métaphore de la grenouille stressée ? non, la voici en version courte :
Prenez une grenouille vivante
Plongez-la dans une casserole remplie d’eau froide,
Allumez le feu.
Observez la grenouille:
elle nage puis s’agite au fur et à mesure que la température monte,
elle ne saute pas, s’épuise
puis finit par s’immobiliser
peut mourir si on ne la sort pas

Plongez une personne dans un environnement professionnel stressant de manière chronique (température de l’eau), où le rythme de travail est haché avec des prises de décisions urgentes rapides, comment s’adapte elle ?
Elle s’agite, s’épuise, reste sur son lieu de travail, et peut si elle ne sort pas du stress chronique faire un burn out. Pour l’avoir vécu y a 3 ans, j’ai découvert après coup (dommage) un exercice de relaxation qui vise à lâcher la pression vapeur de stress : la cohérence cardiaque.
Sans quitter son environnement de travail, nous pouvons agir sur notre stress, faire baisser l’anxiété en synchronisant de manière volontaire la variation du rythme cardiaque avec l’inspire et l’expire.
Pourquoi? Parce que la variabilité de notre rythme cardiaque influence l’état de stress, nos émotions. En gros sans trop entrer dans les détails physiologiques, face à une menace (stress) notre corps réagit par 2 voies :
un axe nerveux dit “sympathique” qui active les glandes médullosurrénales pour produire de l’adrénaline et la noradrénaline ce qui augmente le rythme cardiaque et la ventilation pulmonaire.
un axe hormonal qui active les glandes surrénales pour produire du cortisol entre autre.
Le tout permet une mise alerte de l’organisme pour une réaction d’adaptation de combat ou de fuite.
En situation de menace chronique, notre système nerveux autonome qui permettait de résister finit par se déséquilibrer. La récupération ne se fait plus, l’axe neuronal sympathique n’est plus contrôlé par celui du parasympathique qui fait baisser le rythme cardiaque et l’axe corticotrope n’exerce plus de rétrocontrôle, le cerveau “baigne” dans le cortisol.
ci joint un schéma sur les effets du stress chronique sur le cerveau, publication Inserm, http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/217/?sequence=18

Les scientifiques de HeartMath Institute en Californie, ont publiés en 1995 dans American Journal of Cardiology les effets des émotions sur la variabilité de la fréquence cardiaque. Nous pensons que le coeur bat à un rythme régulier, alors oui avec cependant une variabilité de quelques centièmes de secondes d’un cycle à l’autre. Cette variabilité est impactée par les émotions, l’état interne, le stress….Notre cerveau influence directement notre rythme cardiaque et vice et versa, via le système neuronal autonome (sympathique et parasympatique).
Quel est le principe ? Par une technique de respiration simple lente et régulière, il est possible d’agir sur le système neuronal autonome, donc sur la variabilité de la fréquence cardiaque et ainsi sur les émotions.
Dans les états de stress on constate que la variabilité de la fréquence cardiaque diminue.
Comment faire ?
C’est très simple !
Installez vous assis, les pieds bien plantés dans le sol, le dos droit.
Inspirez par le nez pendant 5 secondes en gonflant le ventre (respiration abdominale)
Expirez pendant 5 secondes
Faites le 6 fois , ça fait 1 mn
Répéter cette série de cycles 5 fois , ça durera au total 5 mn
Vous constaterez pendant l’exercice, un bâillement (activité parasympathique), par exemple, signe d’une longue inspiration, d’un acmé bref puis d’une expiration rapide, décrit par Hippocrate comme “une échappée de vapeur précédant les fièvres” ce qui dans ce contexte me plaît beaucoup comme métaphore ! Une détente des systèmes musculaire et articulaires, un lâcher-prise garanti, de même l’ancrage du moment présent.
Plusieurs applications d’exercices de cohérence cardiaque pour smartphones existent. Il est facile de se programmer 2-3 alarmes par jour à des temps de pause.
Oser souffler dans la journée est un acte volontaire, sans culpabilité, qui permet de:
reprendre un peu de hauteur dans son activité
revenir à son intériorité, à sa source corporelle pour vivre plus consciemment le moment présent
se centrer, apaiser selon les circonstances ses tensions, sa détente, ses émotions
appréhender la séquence suivante de sa vie avec une nouvelle énergie, en ouverture.
Article rédigé par Christine Buès, 14 déc 2017
