Qui n’a pas connu d’accroches avec son(ses) associé.e.s ?
Oppositions sur des décisions à prendre dans l'urgence, une parole mal venue, des priorités mal comprises ….quoi de plus normal.
Toute relation entre associés entraine nécessairement des régulations, car satisfaire des besoins communs et/ou particuliers, répondre aux diverses sollicitations quotidiennes amènent parfois à des différences d’opinions, des désaccords.
Mais quelles sont les limites entre un différend et un conflit ? Comment une accroche peut-elle basculer vers le conflit ouvert ?
Nous avons chacun notre façon de gérer un différend.
Chaque vérité exprimée est un point de vue de la réalité. Entre rechercher la vérité objective, trouver la bonne réponse à une problématique et l’aisance de chacun par rapport à un différend, leurs représentations mentales moduleront fortement les relations : croyances, attitudes défensives ou d’ouverture, écoute, jugements etc…
Des désaccords sur « ce qui doit être fait, ou comment ou par qui » ou encore sur « l’objectif à atteindre » représentent de potentielles tensions, dont l’issue favorable peut être rapide. Dans la mesure où le désaccord est conscient et exprimé, il ne durera pas. La réorganisation des tâches, des processus, l’amélioration de la coordination, de la communication sont autant d’axes de résolutions.
Exemple de différend : 3 associés d’une société de services développent une toute nouvelle offre. Autant l’organisation de la promotion est bien coordonnée entre 2 , autant le 3ème se trouve exclu car peu disponible, se sentant peu compétent sur les moyens utilisés mais il souhaite participer vraiment au lancement de l'offre. Le processus déployé a créé un différend sur le « comment » et le « qui ».
Autre exemple : Des prises de décision urgentes unilatérales pour répondre à un client a amené 2 associés a se disputer sur la gestion des urgences. L’un a favorisé une réponse au « quoi » du client. A partir de son raisonnement logique, il a décidé de répondre d’une certaine manière à l'attente de son client. Tandis l’autre associé aurait aimé mieux comprendre le point de vue du client pour apporter une solution plus complète et moins rapide qui ouvre sur d’autres perspectives, …divergence de points de vue .
La bascule vers le conflit se fait quand le différend s’élargit en visant la personne avec des risques de rejets, de fautes. La relation souffre, apportant son lot d'actions/réactions, de danger de polarisation, voire de constitution de clans.
Voici quelques facteurs qui enveniment le différend :
- Ce que nous nous racontons fait très souvent notre affaire personnelle : des attitudes-réflexes de victime, de sauveur ou de contrôle sont confortées. Les jeux psychologiques délétères s’installent alors avec grande facilité. Parlons-nous pour vraiment échanger ou pour renforcer une posture certes inconfortable (ou pas) mais bien connue de soi ?
- La parole blessante, inappropriée, maladroite : la parole est un excellent vecteur d’expression de nos croyances, de nos jugements. Elle reflète le discours que l’on se tient à soi même. Dés fois les mots dépassent la pensée. Nous percevons l’expérience du désaccord d'une certaine manière et en même temps nous en sommes limités par notre rapport à la réalité : du point de vue de nos sens, de nos émotions ressenties, de notre compréhension, de notre vocabulaire, de la syntaxe…Quant au silence, pour certains, il peut être très mal vécu source d’interprétations erronées.
- Le débit d’intention où comment nourrir à priori un avis défavorable : fondé ou non fondé ce mode de pensée, désarme facilement. Appartenant au registre du jugement, ces (pré)suppositions apparaissent quand nous ne connaissons pas les intentions l’autre. Nous faisons des hypothèses sur ses raisons d’agir au lieu de le questionner.
- La généralisation : une mauvaise expérience peut être généralisée sans tenir compte des contextes. Exemple des expressions comme « c’est toujours » « jamais » « tout » expriment que le résultat attendu sera « évidemment » identique au résultat d’une expérience antérieure.
Et je passe sur les distorsions de discours, de compréhension, et toutes les peurs sous jacentes qui noient les argumentations.
Au bout du bout, le sujet du différend peut donc s’étendre au conflit entre les personnes, du « celui qui a tord « et du « celui qui a raison », radicalisant ainsi les relations.
Alors redonner du sens aux intérêts communs, tempérer l’émotionnel, faire preuve de discernement sur sa posture, développer son crédit d’intention, ne pas interpréter, apaiser ses peurs sont autant d’axes qui limiteront le passage au conflit. Et bien sur penser à la CNV (communication non violente) qui invite à exprimer le « je me moi » plutôt que le « tu te toi» et à développer son écoute dite active en reformulant et en questionnant.
Chronique ordinaire de l’exercice quotidien entre associés
Christine Buès, Oct 2019